Vous êtes ici :

L'adolescence.... Quelques repères

Dans l’Emile ou De l’Education (1762), Jean-Jacques Rousseau présente l’adolescence comme « une orageuse révolution qui s’annonce par le murmure des passions naissantes. »

 

L’adolescence est l’étape du développement qui se situe entre l’enfance et l’âge adulte. Classiquement, cette étape débuterait avec la venue de la puberté et se terminerai, dans la culture occidentale et à notre époque par l’indépendance, l’autonomie vis-à-vis des parents. Cette période est comme un pont suspendu entre deux collines, derrière soi la colline de l’enfance, devant la colline de l’âge adulte, entre les deux un pont de singe instable, effrayant ou amusant, solide ou plus fragile, avec plus ou moins d’obstacle à franchir. Une seule réalité pour l’adolescent en position inconfortable sur le pont : Il n’y restera pas. Retourner en arrière ? impossible, bien sûr il pourra se créer l’illusion de rester en enfance par des tentatives de régression mais le temps, la croissance lui rappellera sans cesse qu’il doit avancer. Refuser d’aller de l’avant ? Le temps, implacable, se chargera de le pousser vers de la colline d’en face coûte que coûte, en direction de l’âge adulte.

Quand l’adolescent parviendra-t-il sur la colline d’en face ? Qu’est-ce qui viendra représenter la fin de la traversée du pont de singe ? Le phénomène d’adolescence comporte des limites relativement floues. Auparavant, l’accès à l’âge adulte se faisait par le passage de palier successif qui avait valeur de rituels de passage, nous pouvons citer la communion solennelle, le certificat d’étude, le service militaire qui imposait une rupture avec la famille. Aujourd’hui, il est convenu que l’adolescence s’arrête, ou que l’entrée à la vie adulte commence lors de changements de statuts sociales tels que l’entrée dans la vie professionnelle, le départ de la famille d’origine, le mariage ou encore l’accès à la parentalité.

 

Survol de l’adolescence :

 

Si nous reprenons la citation de Jean-Jacques Rousseau : « une orageuse révolution qui s’annonce par le murmure des passions naissantes. », l’adolescence serait donc un passage délicat, un virage dangereux, en tout cas une étape à franchir qui s’annoncerait par la perception de sensations physiques nouvelles qui généraient un sentiment vif, intense à l’égard de personnes, de choses, d’objets.

La perception serait donc le primat du « murmure des passions » au même titre que la perception est aux prémices de l’activité de représentation, de la formation d’un contenu concret d’acte de pensée. L’adolescence vient en quelques sortes frapper à la porte de l’enfant « pré-adolescent » par des perceptions physiques que le sujet transformerait par la suite en sensation, en image puis éventuellement en mots.

Cela m’amène à penser que l’avènement de l’adolescence suivrait la même logique, la même chronologie que l’activité représentative. En effet, une représentation est un acte de pensée, la traduction d’une perception qui a eu lieu et qui ensuite sera représenté en image. Le sujet, convoquera ensuite cette expérience nouvelle pour la traduire en mots. Il faut donc que la perception ait eu lieu pour pouvoir se la représenter. Il y a un temps entre la perception est la représentation.

Or, à l’adolescence, le corps est en perpétuel changement, les perceptions de ses changements sont permanentes et peuvent venir mettre en échec l’activité représentative du sujet, sa capacité à traduire en mots, à comprendre le sens de ses perceptions, le sens des expériences auxquelles il est confronté et donc le sens de ce qu’il lui arrive.

 

Comme le décrit Evelyne Kestemberg, l’adolescence est un organisateur psychique, tout comme René Spitz en a décrit d’autres. C’est une période de transformation radicale qui va venir mettre à mal toutes les conceptions du monde extérieures que le pré-adolescent s’était forgé durant son enfance et plus particulièrement la période de latence.

La puberté va venir modifier profondément le corps et le statut du sujet. Cette transformation corporelle, physique va rendre possible la sexualité génitale qui impliquera de la part de l’individu une nouvelle élaboration psychique et un apprivoisement des conséquences narcissiques et relationnelles qui en découleront.

 

Le corps en changement permanent va venir mettre à rude épreuve l’identité du sujet qui aura du mal à se retrouver. La construction de cette identité et la reconnaissance progressive de celle-ci par lui-même et aussi par son entourage est l’enjeu le plus important de cette période et inévitablement, quelques turbulences sont à prévoir.

L’adolescent va devoir apprendre à assumer son corps d’adulte tout en renonçant à son corps d’enfant et à ses privilèges. Cette opération de renoncement peut paraitre trop risquée pour être tentée. Il va devoir peu à peu, à force d’échecs et de succès, de peurs et de joie, d’avancées et de recul, de régression et d’évolution, se dessiner une personnalité propre, autonome.