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La dissociation traumatique

La dissociation correspond à la désunion des fonctions normalement intégrées que sont la conscience, la mémoire, l’identité et la perception de l’environnement.

C’est un sentiment subjectif de torpeur, de sidération avec un détachement ou une absence de réactivité émotionnelle, une réduction de la conscience de l’environnement pouvant conduire à une déréalisation, une dépersonnalisation et une amnésie dissociative.

La dissociation traumatique ou "L'omerta neuronale"

Partons du postulat que la souffrance humaine est inéluctablement la conséquence du non-subjectivé de la psyché et donc de tout ce qui est resté en dehors des capacités représentatives et symboliques du sujet, Comment ce non-subjectivé, lorsqu’il est hautement traumatique peut se traduire neurologiquement ?

            Un phénomène pouvant expliquer les blocages des capacités représentatives, c’est-à-dire la capacité à pouvoir comprendre, contextualiser et donc intégrer ce qui est vécu, est le phénomène de dissociation.

            La dissociation correspond à la désunion des fonctions normalement intégrées que sont la conscience, la mémoire, l’identité et la perception de l’environnement.

C’est un sentiment subjectif de torpeur, de sidération avec un détachement ou une absence de réactivité émotionnelle, une réduction de la conscience de l’environnement pouvant conduire à une déréalisation, une dépersonnalisation et une amnésie dissociative. La dissociation est transnosographique, c’est-à-dire qu’il s’agit d’une entité que l’on retrouve dans plusieurs troubles psychiatriques. On peut observer des phénomènes dissociatifs dans les troubles anxieux, les crises suicidaires, les psychoses, les troubles épileptiques et également dans les états de stress paroxystique que l’on appelle dissociation péri-traumatique.

            Les zones de l’encéphale jouant un rôle dans les états dissociatifs sont le cortex préfrontal, le cortex cingulaire antérieur, l’amygdale, l’hippocampe et nous pouvons rajouter également l’hypothalamus et l’hypophyse dans le cadre de l’axe corticotrope comme nous venons de la voir plus haut.

La neuroimagerie précise une implication des zones orbito-frontal et ventromédiane du cortex préfrontal, des aires sensorielles associatives (temporales, pariétales et occipitales) et du système limbique (amygdale, insula, gyrus cingulaire).       

            Neurologiquement, une corrélation a été démontré entre le degré de dissociation et le taux d’acide homovanillique (HVA), un métabolite de la dopamine et l’acide 5-hydroxyindolacétique, un métabolite de la sérotonine. Ces deux acides influent également au niveau de l’hippocampe et du cortex préfrontal (PFC).

            Chez le rat soumis à des conditions de stress répétées et cumulées sur 32 jours, il a été démontré au terme de l’expérience après dissection de l’hippocampe et du PFC une altération des taux de sérotonine (5-HT) et d’autres neurotransmetteurs. Dans l’hippocampe des rats stimulés pour générer un PTSD, les taux de 5-HT et de HVA étaient plus bas, alors que le taux noradrénaline et d’acide 3,4-Dihydroxyphenylacedique (DOPAC) était plus élevés contrairement aux groupes de contrôle. Dans le PFC, seul la 5-HT était plus basse alors que la noradrénaline et la dopamine et la DOPAC étaient plus élevés. Ces changements de modulation des neurotransmetteurs chez le rat sont similaires à ce que nous pouvons trouver chez les humains. Ces changements pourraient être à l’origine d’une hyperactivation des voies noradrénergiques (C. Brad Wilson, Philip J. Ebenezer, Leslie D. McLaughlin, Joseph Francis, 2014)[1].

 

[1] C. Brad Wilson, Philip J. Ebenezer, Leslie D. McLaughlin, Joseph Francis, Predator exposur/esychological stress animal model of post-traumatic stress disorder modulates neurotransmitters in the rat hippocampus and prefrontal cortex, Plos One 9(2) :e89104, Febuary 14, 2014

Le système opïode endogène

Il y aurait un lien également entre la dissociation et le système opioïde endogène puisque des taux élevés de beta-endorphine ont été trouvés dans le liquide céphalo-rachidien de personnes atteintes de PTSD[1] (Putnam, 1995). Lors d’expériences, quand sont montrées à des patients atteints des images en relation avec leur traumatisme, la réponse analgésique serait équivalente à une injection intra veineuse de 8 mg de morphine[2]. La beta-endorphine, ce neuropeptide endogène serait à l’origine de la disjonction du système limbique, l’amygdale étant comme anesthésiée et par conséquent incapable de fournir une réponse émotionnelle.

            Les victimes paraissent inanimées, incapable de réagir à l’agresseur, ce qui laisse parfois penser que les victimes étaient consentantes puisqu’elles ne disent rien et ne font rien. Ce comportement induit physiologiquement au dépend de la victime pour la protéger de risques vitaux bien réels pourraient être à l’origine de la minimisation de la gravité des faits auprès des juridiction compétente. Les victimes dissociées ne réagissant plus ou très peu laisse penser aux forces de l’ordre ou même aux juges que les actes commis n’étaient peut-être pas si graves puisqu’elles ne semblent pas atteintes émotionnellement et de fait n’ont pas le comportement adapté. En d’autres mots, elles semblent indifférentes aux actes subis, elles ne paraissent pas souffrir à leurs yeux et par conséquent l’idée que la personne est traumatisée reste floue. Cet état de sidération et de paralysie est souvent reproché aux victimes notamment de viol à qui des questions du type « Pourquoi n’avez-vous pas crié ? », « Pourquoi ne vous êtes-vous pas débattue ? », sont autant de d’interrogation qui prouvent l’ignorance des représentants des forces de l’ordre et de la justice à ce sujet.

 

            Dans le phénomène dissociatif péri-traumatique, le cerveau va sécréter des drogues dissociantes endogènes. Les opïodes sont sécrétées à partir de l’amygdale et de la substance grise périaqueducale et vont produire une baisse de la douleur et un émoussement de la réponse émotionnelle (Lori L. Davis, 1997).

            Malgré les violences du trauma qui peuvent se poursuivre, l’individu est anesthésié, il n’y a plus de réponse émotionnelle, donc plus de risque vital et plus de souffrances physiques car les endorphines produisent une analgésie.  Cette sécrétion d’endorphines anesthésiantes par le complexe hypothalamo-hypophysaire va avoir un effet sur l’hippocampe, une autre région fortement impliquée dans les PTSD. Rappelons que l’hippocampe est fortement impliqué dans le processus de la mémoire et de la contextualisation temporo-spatiale. Il est situé dans les lobes temporaux et appartient au système limbique. Le système opïode endogènes va avoir une incidence sur l’hippocampe car les endorphines et ketamine-like sont des antagonistes aux récepteurs ionotropes NMDA du système glutaminergique (N-methyl-D-asparte, agoniste du glutamate) qui sont physiologiquement activés par le glutamate, l’aspartate et la glycine. Le glutamate et la glycine ont des caractéristiques essentielles pour la mémoire et la plasticité synaptique. Les liens entre l’amygdale et l’hippocampe vont être inhibés, comme déconnectés.

 

[1] Putnam F.W., Traumatic Stress and Pathological Dissociation, Annals of the New-York Academy of Sciences, 1995/12, p.708-771 – p.708

[2] Pitman RK, Van der Kolk B, Orr SP et al. 1990, Naloxone-reversible analgesicresponse to combat-related stimuli in posttraumatic stress disorder. Arch. Gen. Psychiatry 47 :541-544